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Sous les lunettes de Zerbinette

Big brother

Où ta Zerbinette s’allège de tous les poncifs post-festifs pour t’offrir impunément un roman de l’obésité à déguster sans complexe.

Tu ne peux pas savoir quelle joie pernicieuse est mienne, de te suggérer la lecture de cette verve adipeuse, de ce pamphlet de l’empâté, au lendemain du réveillon. Eh oui mon petit lecteur, je te vois d’ici malaxer d’une main suspicieuse tes chairs prétendument alourdies par les excès de foies animaux et la torpeur du tien.

Il faut dire aussi que depuis quelques jours, tu te gargarises sans doute de la pression sociale, qui veut que l’on oscille invariablement entre la jouissance immédiate et l’ascétisme coupable, et, sans cesse attiré par ces deux pôles contraires, il y a de fortes chances qu’éternellement tu t’affames dans la contradiction. Il fallait que cela cesse, j’ai trouvé femme qui t’extraira de cette tyrannie alimentaire.

Lionel Shriver, vivace auteure américaine perdit il y a peu son frère obèse. Elle lui dédie Big Brother, fiction fortement inspirée dans laquelle sa narratrice Pandora, mère et épouse dévouée, décide d’abandonner famille et mari pour aider son frère obèse à perdre du poids. Les voici tous deux séques- trés de leur plein gré dans un appartement, goulag dévolu à la traque des calories. Les corps s’allègent dans la souffrance tandis que les esprits s’y perdent. L’aiguille de la balance descend à mesure que les angoisses paraissent. Il faut investir cet autre moi et endosser le masque conformiste où se complaît l’égo.

Reste à savoir ce que l’on cherche à combler lorsque la frénésie s’attaque à notre coup de fourchette. Shriver se blâme de ne l’avoir pas compris plus tôt et nous livre sa réflexion à vif, dans un roman grinçant et sarcastique où le corps et ses complexes en prennent un sacré coup. À consommer sans modération donc.

Big Brother de Lionel Shriver, 343 p., éditions Belfond.
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