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Wonderbrass

A l’Azenda, on aime vous faire découvrir des musiques venant d’ailleurs, ou des musiques peu communes. L’occasion était donc toute trouvée de vous parler du soundpainting, puisque l’Ile de La Réunion compte un de ses représentants de qualité : le groupe Wonderbrass.

Un peu d’histoire


Tous ceux qui ont eu la chance d’assister à un concert de Wonderbrass peuvent en témoigner. Le spectacle offert par le groupe l’est autant du côté des musiciens que de celui qui les dirige, en l’occurrence, un certain Pierre Wekstein. Son nom ne vous dit peut-être rien, mais c’est un instrumentiste et arrangeur accompli et respecté, l’un des meilleurs spécialistes de la musique klezmer et l’un des portes drapeaux du soundpainting.


Mais au fait, qu’est-ce que le soundpainting ? Le soundpainting est un langage de composition en live créé par l’américain Walter Thompson dans les années quatre-vingts. Ce langage, fait de gestes, est avant tout destiné aux musiciens, mais peut tout aussi bien investir les champs artistiques de la danse, du théâtre, des lumières ou de la vidéo. En un mot, de tous les arts pouvant être improvisés. 
Dans le même temps, le soundpainting efface quelque peu la frontière qui séparait naguère le chef d’orchestre du compositeur. S’il peut paraître simple à première vue, le soundpainting est en vérité un langage complexe qui permet de former avec son corps les phrases musicales les plus alambiquées. En effet, il comporte, vingt-cinq ans après sa création, plus de sept cents signes permettant au chef d’orchestre-compositeur de communiquer ses plus subtils désidératas aux musiciens.


Pour quitter un peu la théorie, deux exemples : si le coude gauche du chef d’orchestre est tendu avec deux doigts faisant le V (de la victoire), les musiciens doivent augmenter le volume de leur instrument. Pour tenir une note, il fait un trait devant lui et écarte les doigts.


Le groupe


Au final, c’est bien le soundpainting qui donne tout son sel à Wonderbrass. En voyant les musiciens sur scène, on a le sentiment d’assister à une musique de l’éphémère. C’est précisément ce qui a motivé Pierre Wekstein quand il a créé la formation. Il voulait faire une fanfare qui pourrait « jouer des choses impossibles à écrire, faire tourner un son à l’envi ». Par-dessus tout, plusieurs musiciens, dont Zil, l’un des saxophonistes de la fanfare sudiste Byin Mayé, affirment « ne pas vouloir de clichés, donc pas de partitions écrites ».


C’est pour cette raison que le groupe ne cherche pas à enregistrer un album, son travail ne prenant pleinement son sens que visuellement. Et justement, ça vaut le coup d’œil. D’abord parce que la majorité des musiciens ont un excellent niveau, ensuite parce que le groupe est dense avec, le plus souvent, un inventaire musical digne d’un Prévert (trois altos, trois basses [dont un sousaphone et un baryton], deux trombones, trois ou quatre trompettes, une flûte, deux clarinettes, une batterie et des percussions).  


Pierre Wekstein


Et puis, pour diriger cet ensemble, un arrangeur-saxophoniste talentueux : Pierre Wekstein. Fondateur du groupe Orient Express Moving Shnorers (rebaptisé par la suite Klezmer Nova), il en a été le producteur, le compositeur principal, l’arrangeur et l’un des musiciens. Puis, ayant quitté depuis longtemps ses classes où il enseignait les mathématiques, il arrive à La Réunion, où il crée au début de l’année 2006, le groupe Piwek avec quatre musiciens réunionnais : David Félix à la basse, Eric Lucilly à la batterie, Youric de la Cuvellerie à la guitare et Nicolas Maillet à la clarinette.


Et, gardant un excellent souvenir du SPOUMJ (orchestre à géométrie variable composé d’une trentaine de musiciens improvisateurs et de compositeurs et dirigé par François Jeanneau, premier directeur de l’Orchestre National de Jazz), Pierre Wekstein décide à son tour de se lancer dans le soundpainting. 
On connait la suite : des compositions en direct qui laissent la part belle à la puissance des cuivres, tandis que la clarinette s’en donne à cœur joie quand le saxophone, lui, approfondit la sonorité, au point de donner la chair de poule, comme ces chansons klezmer qui peuplent les bars de Roumanie.

Nicolas Millet