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Carirama

Riz, grains, piment ?

Au prix de leur santé, les enquêteurs de Vavang ont testé jour après jour les meilleurs caris à emporter de la côte ouest. Voici le guide infaillible de la barquette, le Michelin du bouiboui.

« Riz, grains, piment ? » Ces trois mots immuables sonnent comme le refrain ventru des bons midis créoles. Tous les jours, à l’heure du déjeuner, ils s’égrainent inlassablement au comptoir des innombrables bouibouis qui voient défiler toute La Réunion. Maçons affamés dès la fin de matinée, employés de bureaux, chefs d’entreprise à quatre épingles, livreurs pressés, fonctionnaires nonchalants, vacanciers pépères, lycéens stylés, retardataires soucieux de savoir s’il en reste ; nous sommes tous égaux devant la barquette. Partout, c’est le même regard friand rivé sur le tableau du menu, la même façon de jeter un œil par dessus l’épaule des devanciers pour jauger, derrière la vitrine, l’apparence des caris, rougails, massalés, sautés et autres chop sueys qui fondent notre régime quotidien. Et la même peur de voir la dernière portion de boucané partir avant son tour.

Servie bien lourde, avec le riz en tacon tassé revêtu de sauce épaisse et le piment calé dans son coin, en quarantaine avant d’avoir pu goûter sa brûlure, la barquette est l’emblème d’une gourmandise endémique qui refuse d’abdiquer devant la chaleur, les salades à la mode, l’accélération des cadences et l’hygiénisme des religions du bien-être. Elle résiste au développement des franchises de fast food internationales, à la vie chère, et à la crise.

Elle est même en plein boum. S’il est impossible de savoir précisément combien en sont servies chaque jour, on voit partout s’ouvrir de nouveaux endroits spécialisés. Tous les coins de rue ont leur fournisseur, chacun a sa spécialité, et chacune a ce petit goût que les habitués reviennent chercher semaine après semaine. Et dans cette jungle toujours plus épaisse de saucisses fumées, de morues croutées et de dodus civets, il n’est pas toujours aisé de savoir à quel graillon vouer son bidon.

Mais pas de panique, lecteur alléché ! Vavang a payé de sa personne pour vous offrir le guide définitif des meilleures adresses de l’ouest. Après de longs mois à veiller au grain, un vaste sondage et de multiples et patientes dégustations, nous avons établi une liste de fournisseurs sur la base des recommandations du peuple affamé, et nous avons courageusement testé les marmites de la côte ouest. Désormais obèses mais incollables, nous vous livrons dans les pages qui suivent des plans sûrs, estampillés KGB : Kalité Goulaf Bon marsé, un label que nous inaugurons !

Chez Roméo - St-Leu

« Pourquoi je m’applique quand je fais mon cari ? Mais parce qu’après, c’est moi qui le mange !  » Sous sa toque et dans son tablier, Roméo Waï-Lune se tient tous les midis, avec son épouse, au comptoir de la petite cuisine qu’il a adossée à sa maison, sur la rue principale de Saint-Leu. Enfant du kartié trwa lèt, il a été élevé dans le bar-boutik que ses grands-parents avaient ouvert quelques mètres plus loin, qu’il a lui-même tenu quelques années et reconverti en bar de nuit, avant de préférer les bonnes marmites aux mauvaises fins de soirée bagarreuses. Depuis 14 ans, il cuisine au gaz « avec patience, à feu doux, et avec amour du métier » des caris pour ses habitués, avec la volonté de rester à petite échelle.

À SAVOIR

  • À emporter uniquement
  • Choix : 3 plats tous les jours : un poisson, une volaille, et une viande.
  • Prix unique : 6€
  • Quantité : Roméo l’affirme : ses barquettes, une fois remplies, « tournent autour d’un kilo ».
  • Rougails : Piment vert tous les jours, dakatine le mercredi, citron-carotte le vendredi, et selon le marché les autres jours.
  • Spécialités : Le « poulet braisé », une invention de Roméo : un poulet croustillant mariné dans une préparation dont il garde jalousement la recette. Il en prépare deux vendredis par mois. Et aussi le rougail morue, servi tous les vendredis.
Ouvert lundi au vendredi, à partir de 11h30. Pour être sûr d’avoir le choix, arrivez avant 12h30.
225, Rue du Général Lambert, à quelques mètres de la salle de spectacle Le K - 0692 26 19 63

La Case d’Edith - La Possession

Chez Édith, c’est d’abord un restaurant ; mais chez Édith, tout est possible. Vous pouvez prendre vos barquettes à emporter, complètes ou sans riz, et même commander à l’avance des marmites entières du plat qui a fait sa renommée : le romazava. Native de Tananarive, Édith a ouvert son restaurant il y a 10 ans poussée par ses amis, qui ne juraient que par sa cuisine, malgache, créole et chinoise. Toujours affairée entre la salle et les cuisines d’où jaillissent régulièrement quelques interjections malgaches, au four et au moulin, elle garde le sourire mais accuse un peu la fatigue. Bientôt, elle prendra du recul, et confiera les clefs à l’une de ses camarades de marmite, mais assure qu’elle sera toujours là pour filer un coup de main, et que le goût, lui, ne changera pas !

À SAVOIR

  • Sur place, à emporter
  • Choix : 5 plats différents chaque jour
  • Rougails : Rougail tomate, rougail concombre
  • Prix : 6€ à emporter ; Variable pour les commandes spéciales
  • Spécialités : Tous les jours, romazava et sauté de mines
Du lundi au vendredi, 11h - 15h, et le vendredi soir
42, rue Sarda Garriga, La Possession - 0262 34 04 28 / 0692 18 48 37

Chez Mamy Marianne - St Paul

À 83 ans, Mamy Marianne n’a plus la force de porter les marmites qui mijotent toute la matinée sur le boucan installé juste derrière sa case. Mais c’est bien l’esprit lontan de sa cuisine qui y règne. Il y a quatre ans, ses enfants, Jude et Karine se sont associés pour ouvrir, collé à la kaz momon, ce tout petit restau où tradition et feu de bois font loi. « Ce qui me plaît, explique Karine, c’est cuisiner des choses anciennes, devenues rares : la pomme en l’air, la patole… On essaye aussi de faire souvent des caris avec des produits frais - volaille péi, pêche artisanale, cari z’oie… Mais comme le prix est plus élevé, on ne peut pas toujours…  » Grains au goût fumé, plats mijotés fondants, menu varié et souvent original : Mamy Marianne est l’alternative idéale pour ceux qui préfèrent éviter les institutions de la place du marché. Et Karine d’ajouter, avec un sourire fier : « Monsieur Collienne, le journaliste, a même commandé avec nous pour le mariage de sa fille ! »

À SAVOIR

  • Sur place, à emporter
  • Cuisine au feu de bois
  • Choix : 6 ou 7 plats tous les jours.
  • Prix : 6€ à emporter / 9€ Sur place
  • Caris frais : selon arrivage, autour de 9€ à emporter.
Ouvert du lundi au samedi midi, et le premier dimanche du mois
Rue du Général de Gaulle, St-Paul - 0692 75 09 83 / 0262 02 13 91

Le Rafaël - Rivière des Galets

«  Rafael, c’est le nom de mon fils. ». Il y a encore trois ans, Pablo était conducteur de travaux électricien. Mais la crise du bâtiment est passée par là, et le jeune papa au regard paille s’est retrouvé sur le carreau. Comme beaucoup de propriétaires de snacks, c’est donc un projet de reconversion professionnelle qui l’a conduit derrière les fourneaux, où il perpétue une tradition du « cari lontan, classique, créole » apprise auprès de sa mère. Dernier arrivé dans un quartier où il a grandi, mais qui comptait déjà quelques restaurants, il a du faire sa place, avec une méthode simple et efficace : « J’ai proposé de plus grosses barquettes, avec un prix plus bas. » Autre bonus, il livre sur Le Port et La Possession. Et ça marche. Avec le sourire, Pablo annonce : « Pour avoir le choix, il faut commander avant 10h30 ! ».

À SAVOIR

  • Sur place, à emporter, et livraison sur Le Port et La Possession.
  • Commandes de préférence avant 10h30 pour avoir le choix.
  • Choix : 3 à 6 plats tous les jours. Pablo envoie le menu de la semaine par mail à ses habitués. Inscription : pabloabdallah@hotmail.com
  • Prix et quantité : 5€ (barquette de 1kg) / 4€ (750g) / 3€ (500g)
  • Formule : + 50 cents = une bière ou une limonade
  • Rougails : Piment la pâte + 1 rougail différent chaque jour.
  • Spécialités : Vendredi : rougail morue ; Un vendredi sur deux : civet zourite
7 jour sur 7, de 6h30 à 14h30
52 rue Nelson Mandela, Rivière des Galets - 0692 62 53 62 - pabloabdallah@hotmail.com

Chez Mité - St Gilles

Dans la place depuis 24 ans, Chez Mité est sans conteste possible notre préféré toutes catégories confondues. Depuis toujours en cuisine, à bientôt 60 ans, malgré les coups durs, Josette se lève tous les matins à 5h et prend le bus depuis St-Denis pour allumer son long feu de bois où une dizaine de marmites bouillonnent de concert. « Quand Josette n’est pas là, on ferme le rideau, et on ne sert pas. Chez Mité n’existe pas sans elle ! » assure l’épouse du propriétaire, Pascal, et gérante de l’établissement. Et pour cause, avant l’ouverture du restaurant, Josette a été la nourrisse de Pascal, dans cette maison saint-gilloise où il a grandi à deux pas de la plage des Roches Noires. 40 ans de complicité et 24 ans de partenariat qui ont résisté au déclin de la station balnéaire et aux diverses réinventions du restaurant, dont l’architecture conserve les traces de ses configurations passées. Secret de cette longévité, un respect scrupuleux des traditions créoles : les caris de Chez Mité (pour Marie-Thérèse, la maman de Pascal) sont parmi les meilleurs qu’on aie jamais goûté, et les deux spécialités de Josette, le rôti de porc et le rougail morue du vendredi, attirent inlassablement les passionnés depuis un demi siècle - certains attendent même le lever de rideau dès 10h pour passer commande.

Autre point fort : les salades, fraîches, copieuses et au choix. Vous composez votre barquette à la demande à partir des différents ingrédients, du taboulé aux légumes braisés en passant par la salade de chouchou, choux vert, fruits pimentés, citrouille ou macédoine… Régal total.

À SAVOIR

  • Sur place, à emporter
  • Choix : 8 ou 9 plats tous les midis. + Salades
  • Arrivez de préférence avant 12h15 pour avoir le choix.
  • Rougails : Piment la pâte et rougail dakatine.
  • Prix : De 5€ à 7€€ à emporter ; 8€ sur place
  • Spécialités : Rôti de porc ; Vendredi : Rougail Morue
Du lundi au samedi, de 10h à 15h
6 rue de la Plage, St-Gilles - 0262 24 22 92

L’Arc En Ciel - L’Ermitage

Voilà 17 ans que l’Arc En Ciel joue la carte de la discrétion, à fond : pas de photo de l’équipe SVP, pas trop de pub merci… Limite si on ne nous demande pas gentiment de passer l’adresse sous silence, qui se débrouille très bien avec le bouche-à-oreille, malgré le fait que ce petit restaurant soit un peu isolé dans le quartier qui entoure l’église de l’Ermitage. Mais dès qu’on parle caris, contact avec les clients, le sourire revient et l’œil pétille. Midi et soir, on accueille ici touristes et habitués avec gentillesse et savoir-faire, et un menu qui fait la part belle aux classiques : rougail saucisses, morue, et le civet zourite, spécialité maison.

À SAVOIR

  • Sur place, à emporter
  • Choix : 5 plats tous les midis, 4 ou 5 le soir. Commande de préférence avant 11h pour avoir le choix, avant 19h pour le soir.
  • Rougails : Piment la pâte, rougails à la demande
  • Prix : 5,50€ à emporter - 6€ pour un medley avec deux caris - 7€ sur place
  • Spécialités : Civet Zourite - mardi et vendredi
Du lundi au samedi, 11h - 14h, 18h - 22h
14 rue du Père Lafrite, L’Ermitage - 0262 33 80 61

Le Wok d’argent - St Leu

Silhouette costaude trempée au culturisme, gestes rapides et démarche volontaire du gros bosseur, Thierry Grosset n’est pas là pour plaisanter. Après 17 ans passés dans les cuisines du Casino de St-Gilles, il a pris le large pour monter un concept auquel il croit depuis longtemps : une cuisine chinoise à emporter, sautée sur l’instant, à la demande. « Mon idée n’intéressait pas là où je travaillais, et les gens dans les hauts se plaignaient de ne trouver près de chez eux que des pizzas. J’ai décidé de me lancer. » Chez lui, tout est maison, jusqu’à la pâte des mines. Dans un meuble fabriqué spécialement, il pioche les ingrédients tout juste découpés et les jette devant vous dans de lourdes poêles en fonte crépitantes. Sautés de bœuf, porc ou poulet croustillant, bol renversé gargantuesque : ses spécialités sont aussi savoureuses que roboratives, tassées dans des barquettes qui dépassent sans problème les 750 grammes.

À SAVOIR

  • À emporter
  • Choix : La carte est fixe, et offre pour chaque plat le choix entre viandes de bœuf, poulet ou porc.
  • Prix : De 8€ à 11€ – pour un bol renversé « royal », sur lequel on peut quasiment manger à deux.
  • Spécialités : Poulet croustillant, Bol renversé, Soupe Wan Tan maison (commander à l’avance)
Du lundi au samedi, de 11h à 14h et de 18h à 21h
72 rte de Fatima, Le Bernica - 0692 84 67 58